Initiative de réappropriation climatique

Étiquette : agroforesterie

Transition agroécologique au XVIIeme siècle

Transition agroécologique en l’an 1600 (ou comment ne pas passer la charrue avant les bœufs ou quand on cherche des solutions on en trouve – suivez mon regard).

Image, Mûrier de Sully, Villes-sur-Auzon 
https://krapooarboricole.files.wordpress.com/2011/09/mc3bbrier-de-sully-7.jpg?w=290

En 1598, lorsque Henri IV promulgue l’édit de Nantes, la France sort de 35 ans de guerres de religion, pestes et famines. Le pays est exsangue.

Pour relancer l’économie rurale, Henri IV et son ministre Sully s’appuient sur l’œuvre de l’agronome Olivier de Serres.

Son œuvre principale, Le théâtre d’agriculture et mesnage des champs, publiée en 1600, transforme profondément l’assolement triennal pratiqué jusqu’alors.

A cette époque, on plante une céréale d’hiver (du blé), puis une céréale d’été (du seigle), avant de  laisser le champ reposer un an ou deux en vaine pâture. 

Le génie d’Olivier de Serre est d’allonger cette rotation en introduisant en tête de rotation une culture de printemps (betterave, maïs, pomme de terre) et de remplacer la jachère par une prairie temporaire de luzerne. La rotation devient  : culture de printemps souvent sarclée, suivie d’une céréale d’hiver puis d’une céréale d’été. Puis trois ou quatre ans de luzerne pâturée avant de recommencer. 

Avec la luzerne, on nourrit des vaches et des lapins, avec le maïs des volailles, avec les patates, des cochons. Ce nouvel équilibre entre production végétale et animale favorise la fertilité des sols et la prospérité des fermes. On passe d’un élevage marginal, souvent limité aux bêtes de somme, à une production alimentaire régulière. La fameuse poule au pot. 

Olivier de Serres introduit un troisième élément dans l’équation : des cultures de plantes pérennes destinées au commerce. Vigne, houblon, fruits secs, oliviers et surtout le mûrier. C’est en effet à lui qu’on doit l’introduction du ver à soie dans le sud de la France. Il fait paraître en 1599 La cueillete de la soye par la nourriture des Vers qui la font. Pour lui, cultures de vente, cultures vivrières et élevage doivent avoir une part égale dans l’économie de la ferme.

Ainsi par exemple, les Cévennes protestantes deviennent la base arrière de la très florissante industrie de la soie lyonnaise. Ainsi la vallée d’Agen se couvre de pruniers… 

Le 17e Siècle reste une période très difficile pour les populations, mais si un siècle plus tard la France connaît une explosion démographique malgré un réchauffement qui tarde à venir,  c’est sans doute en partie parce que les bases de la polyculture / élevage qui ont été posées alors permettent une meilleure santé des fermes.

Pour approfondir : 

📗 Olivier de Serres par Henri Gourdin chez Acte Sud 
📙  Le théâtre d’agriculture disponible en édition originale sur :
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k52175n/f2.item

Techniques de plantation

Il y a 4 façons d’avoir des arbres

1 – planter 

Pour faire pousser des arbres, on pense d’abord à les planter. Pourtant sauf si on souhaite avoir une production précoce et standardisée, ce geste coûteux n’est pas toujours optimal.

On dit souvent que, dans un projet de plantation, il faut mettre l’argent dans la plantation plutôt que dans les arbres. La plantation nécessite un travail important :

🚜 Décompacter le sol pour que l’arbre s’ancre profondément et trouve des ressources en eau

🌿 Pailler pour limiter la concurrence des graminées durant les premières années

🍂 Amender pour stimuler la croissance 

💦 Arroser à la plantation et durant les premiers étés

🌬️ Tutorer pour éviter les cassures au point de greffe 

🦌 Protéger des brouteurs de bourgeons apicaux

Finalement :

 👉 planter demande du temps et de l’argent 

 👉 ça permet d’avoir les arbres que l’on souhaite, notamment pour la productions

2 – la RNA

Plutôt que planter, on peut laisser pousser. C’est ce que l’on appelle la Régénération Naturelle Assistée. On profite de la succession végétale pour que des arbres poussent.


Dans le ce cadre pour avoir des arbres il suffit de : 

🚧 protéger l’espace qu’on veut boiser des brouteurs et de l’épareuse

🔎 choisir les arbres qu’on souhaite laisser pousser 

La RNA : 

👉  un processus naturel qui permet d’avoir un peuplement endogène et adapté

👉  on ne choisit pas les arbres. On prend ce qui pousse

3 – le semi

Autre alternative à la plantation, le semi permet de choisir son peuplement en ayant une qualité d’enracinement similaire à la végétation spontanée. 

Mais les plantes ligneuses sont difficiles à semer car leurs graines ont des mécanismes de dormance difficiles à lever. Souvent il faut qu’elles passent par un épisode de gel ou le tube digestif d’un animal. Pour simuler ces phénomènes on utilise diverses techniques de stratification. 

👉 semer des arbres permet une grande diversité génétique 

👉 mais mis à part sur quelques variétés forestières, la réussite du semi reste aléatoire

4 – la bouture en place

D’après Francis Hallé, l’avantage de la plante sur l’animal c’est que si on la coupe en deux, on a deux plantes alors qu’un animal coupé en deux a un destin bien moins enviable. Le bouturage de branches ou de racine en place ne fonctionne pas avec toutes les espèces, mais sa simplicité en fait un candidat de choix pour une végétalisation rapide.

La bouture à grande profondeur permet de gérer la concurrence avec la strate herbacée et d’aller chercher l’eau.

👉 la bouture permet de multiplier les arbres en grandes quantités 

👉 elle ne fonctionne pas avec toutes les espèces

Nous suivons actuellement avec beaucoup d’intérêt des essais de bouturage en place au Karcher. Ils permettent d’atteindre une profondeur de plusieurs mètres très facilement et d’utiliser le matériel végétal issu de l’élagage. Au delà des classiques saules et peupliers, des essais sont en cours sur le platane, le tilleul, le mûrier blanc, l’olivier, le noyer et le châtaignier.

Cette vidéo illustre ce procédé:
https://www.youtube.com/shorts/rflXkhOg9NU?si=HEpLP8m5aQ8zGKlL

Amélioration de la disponibilité en eau grâce au boisement

📖🌳 Une étude parue en janvier 2024 s’intéresse à la manière dont le boisement permettrait de soutenir la dynamique des pluies. 🌳🌧️

Les scientifiques prennent de plus en plus en compte l’impact de la végétation sur la disponibilité en eau et l’étude “Targeted rainfall enhancement as an objective of forestation” dresse un panorama de ces recherches.

Les auteurs, Arie Staa, Jolanda Theeuwen, @Nico Wunderling, @Lan Wang-Erlandsson et Stefan Dekker, sont pour la plupart en poste aux Pays-Bas, un pays en pointe dans la compréhension des interactions entre végétation et précipitations. Ces capacités néerlandaises en génie écologique s’expliquent probablement par l’histoire de ce pays qui s’est construit largement sur la mer.

Les chercheurs développent le concept prometteur de “TRE” pour “targeted rainfall enhancement” (“amélioration ciblée des précipitations”), précisant qu’ils vont “plus loin que la littérature existante en arguant que – en plus d’autres considérations telles que les effets sur la biodiversité – il commence à devenir possible de prendre délibérément en compte les effets non locaux, spatialement explicites, du reboisement sur les précipitations dans la priorisation holistique du reboisement. et les évaluations de la vulnérabilité au changement climatique à l’échelle mondiale.” 

Cette position fait écho à notre approche. Nous espérons d’ailleurs faire caisse de résonance sur ce sujet, pour que décideurs politiques et économiques prennent en compte la biosphère et cessent de penser qu’on peut compenser à court terme en plantant ici ce qu’on rase par là.

Plusieurs grands enseignements ressortent de cette étude exhaustive.

🌧️ Un suivi des réseaux de recyclage de l’humidité est nécessaire pour comprendre la complexité du cycle de l’eau, notamment la condensation. Il est rendu possible par les améliorations récentes du suivi de l’humidité atmosphérique à des échelles fines.

🌳 La plantation d’arbres peut être utilisée pour améliorer les précipitations locales, en plus de son impact à l’échelle non locale

🌿 Des corrélations positives ont été mises en lumière entre l’indice de surface foliaire cumulé (LAI) et précipitations

🌍 Le verdissement récent constaté sur la surface terrestre a déjà entraîné une légère augmentation annuelle de l’apport en eau (voir l’étude)

🏞️ L’augmentation massive des forêts ne doit pas se faire au détriment des écosystèmes indigènes qui fonctionnent, tels que les prairies naturelles et les zones humides

Enfin, et surtout, un ciblage des régions du globe les plus propices à ce type de projet est proposé : le sud et l’ouest de l’Amazonie, le Mexique, l’est de la Chine et l’Europe méditerranéenne.

La zone que cible prioritairement l’Autoroute de la Pluie se situe à la confluence de deux réservoirs importants d’humidité, l’océan Atlantique et la mer Méditerranée. Elle offre donc un potentiel important pour renforcer les réseaux de recyclage de l’humidité atmosphérique. Cela constitue donc une base stratégique avant d’étendre lesdits réseaux en Europe et sur la rive Sud de la Méditerranée.

Comment le boisement génère des nuages

🌲🌳 L’augmentation du boisement augmenterait sensiblement la couverture nuageuse de basse altitude, ce qui pourrait aider à refroidir la planète.☁️🌧️

Selon les résultats d’une étude, “pour 67 % des zones échantillonnées à travers le monde, le reboisement augmenterait la couverture nuageuse de basse altitude”, ce qui aurait des conséquences positives sur le cycle hydrologique et le climat.

Parue en 2021, l’étude “Revealing the widespread potential of forests to increase low level cloud cover” menée par Grégory Duveiller, Federico Filipponi, Andrej Ceglar et al. se base sur des observations de télédétection par satellite. Cette méthode vient compléter utilement les modèles climatiques, qui ne parviennent pas toujours à restituer la complexité des interactions terre-atmosphère, notamment pour comprendre la formation des nuages.

Selon les chercheurs, “les recherches suggèrent que, grâce à une rétroaction entre la génération des nuages ​​et son effet ultérieur sur le rayonnement entrant, les forêts ont tendance à favoriser l’établissement d’un équilibre entre les tendances de la température et de l’humidité, garantissant ainsi la pérennité de ces conditions de formation des nuages.” 

Dit autrement, les espaces forestiers créent et auto-entretiennent les conditions favorables à un ennuagement conséquent (voir notamment pour le lien entre climat et nuage notre post sur la répartition des nuages sur terre).
D’autres résultats de l’étude sont particulièrement instructifs :

➡️Les boisements ont tendance à augmenter davantage la couverture nuageuse d’une région durant sa période la plus chaude. Compte tenu des conditions extrêmes que nous vivons désormais l’été, ceci doit retenir l’attention de tous.

➡️ Moins intuitif: certains types de forêts de conifères auraient des effets plus importants sur la formation de nuage de basse altitude, ce qui viendrait contrebalancer une évapotranspiration plus faible que celle des feuillus. Les recherches sur ce sujet continuent et promettent des résultats passionnants.

Adoptant une attitude volontariste, les chercheurs appellent à ce que ces résultats soient utilisés par les décideurs politiques afin de concevoir et déployer d’ambitieuses politiques d’atténuation grâce à des solutions fondées sur la nature.

Ce dernier point fait tout particulièrement écho au projet de l’Autoroute de la Pluie. En effet, il est urgent de déployer partout où cela est possible des projets basés sur les services écosystémiques. Et comme il est nécessaire de conserver des terres cultivées, le déploiement à grande échelle de l’agroforesterie est vital pour protéger les sols et atténuer les extrêmes climatiques.

On a coutume de dire que le climat fait la plante mais ne devons-nous pas prendre l’habitude de dire que la plante fait le climat?

Qu’est-ce que la battance ?

Les sols sont secs car ils sont étanches (et pas l’inverse).

Lorsque les constituants du sol sont soumis directement à la pluie, ils forment une couche de perméabilité très faible. Le sol ainsi réorganisé sera dit battu.

Selon les principes de la sédimentation, les feuillets d’argile arrivent en surface. Et comme le feraient des tuiles, ils créent une structure étanche et homogène.

La battance est accentuée par le sol nu. Les plantes offrent une protection qui brise l’inertie des gouttes et protège le sol. Un paillage peut jouer le même rôle.

Par contre lorsque le sol est laissé nu, l’impact des gouttes est fatal (d’autant plus que le soleil à pu cuire l’argile en surface et consolider la structure).

Tous les sols ne sont pas égaux face à la battance. Pour caractériser un sol, on évalue sa proportion d’éléments minéraux par type de granulométrie. Combien y a-t-il d’argile, de limons, de sable et de gravier ? Cette composition détermine la sensibilité à la battance. Mais pas uniquement.

Dans un sol, la matière organique lie les différents éléments. S’il n’y a plus de matière organique dans le sol, si les particules sont libres, et que les gouttes les frappent, il peut alors se réorganiser selon les principes de la sédimentation. Les grosses particules se trouveront au fond, celles de taille intermédiaire juste au-dessus et l’argile en surface. L’eau ne peut alors plus s’infiltrer et le sol meurt.

Ce phénomène est à l’origine de nombreux épisodes de désertification et de réchauffement. Des sols secs sur lesquels rien ne pousse n’attirent plus la pluie. Le climat se réchauffe et se dessèche. L’aridité s’installe.

Il est aisé et urgent, de s’en prémunir. Une des premières stratégies mise au point par la nature est de couvrir les sols. La nature met aussi en place une porosité qui assure le drainage. L’activité biologique offre des colles, notamment la glomaline, qui assure une grande stabilité des agrégats.

Observez l’un des nombreux “soil stability test” sur youtube, vous comprendrez que derrière ce drame s’en cache un autre : l’érosion. La disparition des couches arables ne fait qu’accroître le phénomène. D’ailleurs comme le dit Gérard Ducerf, l’érosion est le prémisse à la désertification.

Trois points d’attention :

🌿 Les couverts d’interculture ne doivent pas être simplement considérés sous l’angle des nitrates. Protéger les sols de la battance et de l’érosion est essentiel pour avoir de l’eau et un climat aussi acceptable que possible.

💻 La prise en compte des propriétés des sols dans les modèles climatiques nous semble trop statique. L’humidité des sols issue des réanalyses (données Era5) est souvent très éloignée des observations de terrain.

🧪 Ces questions sont absentes du débat actuel sur le désherbage mécanique, qui casse pourtant la continuité des galeries et oxyde la matière organique de surface, au même titre que d’autres méthodes, notamment chimiques.

Définir l’agroécologie

Qu’est-ce que l’agroécologie ?

Dans notre post sur la Grande muraille verte, nous avons vu comment la plantation d’arbres a été remplacée par la régénération naturelle. Cette substitution est l’exemple typique d’une mutation agroécologique.

L’agroécologie est apparue dans les années 70 en Amérique latine chez des fermiers qui cherchaient une alternative à l’agronomie de la révolution verte. Elle est formalisée une première fois en 1983 dans 📗 “L’agroécologie – Bases scientifiques d’une agriculture alternative” de l’universitaire Miguel Angel Altieri.

Ce livre, qui éclaire les savoirs paysans traditionnels à l’aune des connaissances modernes en écologie appliquée, prône d’emblée une approche systémique. La production agricole n’est plus un processus industriel linéaire mais un système cyclique dont on exporte l’excédent. Ce qui amènera Charles A Francis à définir l’agroécologie comme l’écologie des systèmes alimentaires.

Si du point de vue scientifique, le concept est parfaitement défini, du point de vue technique et politique c’est beaucoup moins clair. En général l’agroécologie est confondue avec la Bio.

La définition du Ministère de l’Agriculture français est d’ailleurs assez proche des objectifs de la Bio telle que définie dans la législation européenne.

Mais la réalité du Bio est bien plus diverse que ses intentions. Pour aborder cette question, nous recommandons cette intervention de Mulet François, fondateur du réseau Maraîchage Sur Sol Vivant, certes polémique mais qui a le mérite de poser le débat.

De plus, si l’agriculture se met à produire massivement des matériaux, de l’énergie et, comme nous le souhaitons, de l’eau propre, du climat, si les villes prennent leur part, une définition de l’agroécologie qui aille au-delà de la question alimentaire nous semble nécessaire.

En apportant un soin particulier aux espèces végétales dans leurs diversités, leurs omniprésence et le cortège de leurs compagnons (la biodiversité), l’agoécologue complexifie le milieu afin que les services écosystémique puissent se substituer aux interventions humaines.

Ainsi défini le concept a une dimension universelle. L’agroécologie, c’est remplacer l’intervention par le service écosystémique.

Cela a directement deux conséquences :

⚡ réduction directe ou indirecte de la consommation d’énergie

🌿 aggradation des écosystèmes

D’où deux indicateurs, les dépenses d’intrants et la photosynthèse, qui permettent de déterminer si une mutation agroécologique est en cours sur un lieu donné. Par exemple, dans le cas du Sahel, avec une baisse des importations de céréales et un verdissement important, on peut tout à fait affirmer qu’on est sur le bon chemin !

Illustration : le domaine agroécologique des Peyrounels dans le Tarn : plantes prairiales pérennes, annuelles, boisement jeune et ancien sur un même lieu.

Les impacts climatiques de la perte de bocages

Cela fait bientôt 50 ans que l’on s’apitoie sur la situation des bocages. Mais quel est l’impact d’un point de climatique ?

“La destruction inconsidérée du bocage perturbe les équilibres biologiques essentiels, le lessivage des sols, l’érosion et les changements de microclimats prennent une ampleur jusqu’ici inconnue, irrémédiable.” Cette phrase d’une rare actualité provient d’une archive INA de 1975, qui s’intéresse à la situation dans le village de Gournay, dans les Deux-Sèvres. La vidéo est accessible ici : https://www.facebook.com/watch/?v=1037602723793896

Les témoignages recueillis démontrent la souffrance ressentie par la plupart des agriculteurs concernés par le remembrement, qui a dans ce cas essentiellement servi à l’extension de quelques grandes exploitations céréalières. Un éleveur caprin y décrit les surfaces remembrées comme des déserts pour ses chèvres en hiver tandis qu’un agriculteur fait valoir l’intérêt des haies pour protéger ses cultures des vents d’ouest et des hivers froids.

Un rapport d’avril 2023 du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire et intitulé “La haie, levier de planification écologique” rappelle que 70% des haies ont disparu des bocages français depuis 1950. Le rapport peut être téléchargé ici: https://agriculture.gouv.fr/telecharger/136479

Cette dynamique doit s’inverser pour adapter les cultures aux effets du changement climatique. Car le bocage a l’immense avantage d’offrir une certaine inertie climatique, à la manière des océans, en protégeant les cultures tant du froid que du chaud. L’étude “Caractériser et suivre qualitativement et quantitativement les haies et le bocage en France”,https://www.cairn.info/revue-sciences-eaux-et-territoires-2019-4-page-16.htm,  recense les services suivants rendus par les bocages:

👉 un rôle dans l’épuration de l’eau

👉 un rôle de séquestration de carbone

👉 un rôle de réservoir de biodiversité👉 un rôle paysager

On peut ajouter que le bocage permet de:

👉 freiner l’érosion et infiltrer l’eau

👉 favoriser l’évapotranspiration grâce à l’existence d’un écosystème stratifié

👉 capter la rosée

On pourrait également postuler qu’une généralisation des cultures bocagères permettra une augmentation liée de microclimats. Prises ensembles, ces myriades de microclimats pourraient avoir un impact macro sur le climat du territoire. Ce serait trop bête de ne pas essayer !

Les changements de pratiques agricoles sont plus que jamais nécessaires et bénéficieront à tous, à condition que les agriculteurs soient convenablement accompagnés dans cette transition.

L’illustration du post provient de l’excellent outil “Remonter le temps” de l’IGN qui permet de comparer des territoires à plusieurs périodes, disponible ici:
https://remonterletemps.ign.fr/comparer/basic?x=-0.062248&y=46.149354&z=15&layer1=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS.1950-1965&layer2=ORTHOIMAGERY.ORTHOPHOTOS&mode=doubleMap

Comment parvenir à végétaliser de grandes surfaces ?

Dans une synthèse de 2020 (https://www.fondationbiodiversite.fr/wp-content/uploads/2021/12/FRB-Synthe%CC%80se-plantations.pdf), la @Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) revient sur le projet de Grande muraille verte initié par le très charismatique président du Burkina Faso, Thomas Sankara, au milieu des années 80.

La grande muraille verte (source ONU)

Suite aux grandes sécheresses qui ont sévi au Sahel dans les 60 et 70, une plantation continue de 7000 km d’arbres est lancée. Son but est de contrer l’avancée du désert.

Même si le désert n’avance pas vers le sud comme on pouvait le craindre, reverdir le Sahel reste un objectif important comme le souligne le GIEC dans ce rapport de 2022 (https://www.ipcc.ch/report/ar6/wg3/downloads/report/IPCC_AR6_WGIII_Chapter07.pdf page 74).

Mais ce projet a englouti des sommes faramineuses pour un résultat souvent décevant. Les arbres plantés ne sont pas adaptés, pas entretenus et meurent. Paradoxalement, seules les plantations à visée commerciale réussissent.

Cet échec à plusieurs causes. Notamment, le choix des essences souvent peu à même de survivre sans entretien. Mais c’est surtout le régime foncier et le statut de l’arbre qui sont les principaux obstacles. Par l’effet d’un reliquat du droit colonial, l’agriculteur n’est pas propriétaire des arbres sur les parcelles qu’il exploite. Sa présence n’est donc qu’une contrainte. C’est la levée de cet obstacle social qui permettra au projet de vraiment décoller.

Parallèlement, certains agriculteurs développent une forme d’agriculture originale, le Zaï, qui favorise la germination des graines d’arbres déjà présentes dans le sol. De cette conjonction de facteurs émergera la pratique du bocage sahélien qui fait le succès du verdissement du Sahel. 

L’agronome australien Tony Rinaudo, à qui Arte a consacré un documentaire (The Forest Maker) a contribué à favoriser la diffusion de cette pratique oubliée dans les années 80. Il a commencé à appliquer cette pratique au Niger, après plusieurs années de vains efforts de reforestation. En impliquant les communautés villageoises, les résultats y ont été spectaculaires : « Dans les années de sécheresse, les récoltes étaient infiniment plus abondantes sous les arbres… Je ne sais pas comment le principe s’est disséminé, mais de paysan en paysan, le mot a circulé tant et si bien qu’en une vingtaine d’années, ce sont 200 millions d’arbres qui ont poussé au Niger, sans en planter un seul. »

Favoriser l’émergence de la végétation spontanée s’appelle la régénération naturelle spontanée. Cette approche permet de végétaliser les espaces solidement et à peu de frais, puisque c’est le stock de graines déjà en place qui va s’exprimer. 

Mais ce que montre cette expérience c’est que si la régénération est spontanée, le démarrage du processus ne peut se faire que lorsque les conditions agronomiques et sociales sont réunies. Que seraient ces conditions dans la France d’aujourd’hui ? Nous essaierons dans de prochains post de le définir et de tracer un chemin pour y aboutir.

Le premier effet climatique de l’arbre, c’est l’ombre ! 

Sur cette photo, on peut observer que l’ombre des arbres à permis au couvert de se développer, alors qu’en plein soleil rien n’a poussé.

Le pays Dogon est une région d’Afrique de l’Ouest qui s’étend de la falaise de Bandiagara au Mali jusqu’au sud-ouest de la boucle du Niger. 

Par Ferdinand Reus — Flickr [1], CC BY-SA 2.0, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=4633267

Les techniques agricoles des Dogons révèlent des modes d’adaptation particulièrement compatibles avec les conditions arides. Parmi elles, la pratique de l’ombre intermittente qui consiste à parsemer le paysage de juste ce qu’il faut d’arbres pour protéger les récoltes sans les empêcher de grandir.

☀️Garantir les récoltes malgré les canicules et les sécheresses (les cultures produisent 40 % de mieux sous une ombre arborée bien gérée qu’en plein soleil)

🔥 Produire du bois pour l’énergie et la construction sans décimer les forêts

🍃 Produire du fourrage pour les animaux 

Dans ce système agroforestier, la densité est de seulement 40 arbres à l’hectare. Le Faidherbia Albida, un arbre de la famille des légumineuses (Fabaceae) est au centre du dispositif.

Image Jean-Luc Galabert

📗 La synthèse de Jean-Luc Galabert sur l’agriculture Dogon https://lavierebelle.org/techniques-dogons-de-recolte-de-l

📘 Une étude du cirad sur le Faidherbia Albida au sénégal https://agritrop.cirad.fr/391622/1/document_391622.pdf

📙 The Dogon intermittent shade (article de Roland Bunch) https://www.oneearth.org/case-study-1-the-dogon-intermittent-shade/

Et si l’arbre était plus qu’un simple élément de décor du paysage?

Image réalisé par trogne.fr

🌻 accueil de la biodiversité : les arbres fournissent un habitat précieux pour de nombreuses espèces animales. Ils abritent une biodiversité incroyable : insectes, amphibiens, rongeurs, oiseaux. Ils cultivent dans leurs racines un microbiote pléthorique et de nombreux champignons

🍒 production de fruits et de bois : l’utilisation des arbres pour produire des matériaux, de l’energie et des denrées offre des possibilités infinies. En comparaison à d’autres cultures, les arbres demandent très peu d’efforts

⛈️ rôle climatique : l’un des rôles les plus importants des arbres est leur capacité à produire de l’oxygène. Grâce au processus de photosynthèse, les arbres absorbent le dioxyde de carbone et libèrent de l’oxygène. Ils jouent un rôle crucial dans la lutte contre le changement climatique en capturant et en stockant de grandes quantités de carbone. Ils protègent du vent et créent de l’ombre et de la fraîcheur.

🐝 favoriser les auxiliaires : les arbres constituent des réservoirs d’auxiliaires prêts à intervenir. Larves de syrphes et de coccinelles prêtes à dévorer des pucerons, chauve-souris contre les moustiques, punaises se nourrissant de psylles.

⛰️ paysages : le simple fait d’être entouré d’arbres réduit le stress. Celui des humains. Celui des animaux. Celui des plantes. L’irrégularité des parcs et des forêts permet de s’aérer et de se détendre. Ils contribuent à notre santé.

🍞 agronomie : l’effet des arbre sur la vie et la fertilité des sols est établie par la pratique de l’agroforesterie. Le bocage et les joualles en sont des formes traditionnelles.

🚿 rétention de l’eau : les arbres jouent un rôle crucial dans le cycle de l’eau. Leurs racines absorbent, filtrent et infiltrent. Ils stoppent l’érosion. La condensation et l’émission de pollens jouent un rôle essentiel dans la survenue des pluies

🐄 bien être animal : des arbre dans un pré, abrite les animaux des intempéries. Il leur permet de se gratter et leur fournit la matière ligneuse dont ils ont besoin.

Planter des arbres forestiers, urbains, champêtres, soutenir la gestion durable des forêts, promouvoir la régénération naturelle, la reforestation, lutter contre la déforestation sont des actions essentielles.

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