Initiative de réappropriation climatique

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La photosynthèse à 5 pattes

Dans la publication précédente, nous avons vu qu’il existe trois modes de photosynthèses, C3, C4 et CAM, chacun adapté à un contexte et notamment à un optimum de température. La C4 pour les herbes tropicales, la CAM pour les plantes grasses, la C3 pour le reste. Aujourd’hui nous allons nous attacher à nuancer ce propos.

Image paulownia – Image peuplier : (projet déployé par l’Association française d’agroforesterie) – Image bambou – Image miscanthus

D’abord, sur l’optimum de température, les travaux récents de Mulet François sur la conduite de certaines plantes en conditions tropicale, laissent à penser que la question est plus complexe que ce que l’on pourrait le croire de prime abord, puisqu’il fait pousser des courges à 45°C et 100 % d’humidité. Pourtant, elles sont censées avoir un optimum à 25°C. La disponibilité en eau et l’humidité de l’atmosphère ainsi que l’espèce sont susceptibles de modifier ce paramètre.

Beaucoup de plantes ont en outre un mode de photosynthèse non conventionnel :

🌳le paulownia, dont on a longtemps cru que c’était un arbre C4, est en fait capable d’être un C3 et un CAM (voir cette étude et celle-ci).

🎍le bambou est un C3 atypique qui sait utiliser le CO2 issu de la photorespiration (voir ce lien)

🌿le miscanthus est certes une plante C4, mais capable de fonctionner à partir de 15°C (voir l’étude : « Long SP, Spence AK. 2013. Toward cool C4 crops. Annual Review of Plant Biology » 64, 701–722).

On remarque au passage que beaucoup de champions de la biomasse sont des plantes atypiques.

Dans la biomasse, on considère qu’il y a toujours à peu près 58% de carbone. Ce qui compte donc, ce n’est pas la nature de la biomasse, mais la quantité produite (exprimée en matière sèche).

Pour une quantité d’eau donnée, toutes les plantes ne produisent donc pas la même biomasse. Et cela ne dépend pas seulement du processus de photosynthèse. Les plantes ont d’autres stratégies, comme la mise en réserve de sucres dans les parties souterraines, l’alliance avec certains champignons ou la capacité à capturer la rosée qui les aident à croître. Est-ce pour autant qu’on peut dire qu’elles captent plus de CO2 ?

Ce qui compte avant tout pour produire de la biomasse, c’est que la plante soit adaptée à ses conditions de culture : son sol, son climat, mais aussi à la méthode de plantation et de conduite des cultures.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les sources de l’image du post sont accessibles ici [7]. Nous avons ajouté le peuplier pour illustrer un végétal à croissance rapide des milieux tempérés.

Les photosynthèses

‼️ 🌵 🌾 Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir.

Il y a, derrière un discours marketé sur certaines plantes qui capteraient plus de CO2, un point qu’il faut éclaircir. 

La photosynthèse est une réaction chimique qui utilise la lumière et un “donneur d’électrons” pour transformer du CO2 en autre chose. Le donneur d’électrons peut être du fer, des nitrites, de l’hydroxyde de soufre ou d’arsenic. C’est généralement de l’eau. On la retrouve chez les algues, les plantes et certaines bactéries (les cyanobactéries). La photosynthèse à base d’eau, celle des plantes, est dite “photosynthèse oxygénique”. Elle décompose l’eau et le CO2 pour produire du sucre, de l’eau et de l’oxygène. 

6CO2 + 24H2O C6H12O8 + 12O2 + 12H20

Schéma issu de l’étude source de cet article

Pour la majorité des plantes (celles qu’on appelle C3), cette réaction est associée à une activité coûteuse en énergie et en eau qu’on appelle photorespiration. Cette stratégie ne permet qu’une production de biomasse moyenne, mais elle est très adaptée à des conditions climatiques variables. On considère généralement qu’il existe un optimum thermique de 25°C. Ce type de photosynthèse permet de capter 1 gramme de carbone pour 400 g d’eau.

Une autre stratégie (C4) permet d’éviter la photorespiration. Le processus de photosynthèse est effectué dans deux cellules distinctes. L’optimum thermique passe à 35° C et la plante utilise seulement 250 g d’eau pour fixer 1 g de carbone. C’est la stratégie des plantes tropicales comme le maïs, le sorgho, la canne à sucre et le mil.

Mais C3 et C4 ont une faiblesse : la plante doit pouvoir evapotranspirer en même temps qu’elle fait de la photosynthèse. S’il fait trop chaud, la plante peut donc soit fermer ses stomates pour préserver son eau et cesser toute activité métabolique, soit continuer la photosynthèse, quitte à tomber en stress hydrique.

Seules les plantes CAM, c’est à dire essentiellement les plantes grasses, les cactus, savent gérer cette situation. Comme les C4, ces plantes effectuent leur photosynthèse en deux temps. La nuit, elles effectuent les échanges gazeux, puis le matin, après s’être gorgées de rosée, elles ferment leur stomates et finissent de métaboliser le CO2 absorbé durant la nuit sans perdre une goutte d’eau. Leur optimum est de 35°C le jour et de 15°C la nuit, car l’échange gazeux ne peut se faire qu’avec une certaine chaleur. Mais c’est seulement 50 g d’eau qui leur faut pour capter 1 g de CO2.

Il n’y a pas donc des plantes qui captent plus de CO2, il y a des plantes qui à volume d’eau constant vont faire plus de biomasse et des plantes qui sont davantage capables que d’autres de fonctionner quand il fait chaud.

#co2 #plantes #photosynthèse

Les moutons de mer (ou moutons à fleur) volent les chloroplastes des algues qu’ils consomment pour faire eux mêmes de la photosynthèse. Image accessible ici.

Voir l’étude « Exploring natural variation of photosynthesis in a site-specific manner: evolution, progress, and prospects » pour la source bibliographique.

La mare, l’oubliée de la simplification des paysages

🏞️Nous entendons à juste titre beaucoup parler de la perte des haies et du bocage. Toutefois, réalise-t-on l’importance du déclin des mares qui ont longtemps maillé nos territoires agricoles ? 🐸

Car c’est un fait : les mares sont en voie de disparition. Ainsi, “de nombreux pays industrialisés ont perdu de 50 à 90 % de leurs mares, directement en relation avec l’aménagement du territoire”. En France, “entre 30 et 40 % des mares ont disparu depuis 1950 en France et leur effectif est dix fois moins élevé qu’au début du siècle dernier. De plus, l’immense majorité des mares restantes est abandonnée” [étude de 2013]. En outre, “on estime qu’il y aurait sur Terre 3 milliards de mares de 100 à 1000 m², soit une surface de 0.8 milliards de km² ou 20 mares par km² […]. Les mares agricoles, à elles seules, représenteraient 77.000 km² à l’échelle mondiale” (selon cette étude).

Peu de sources récentes sont aisément accessibles pour évaluer la tendance depuis 2013. Et ce sujet est oublié des rares médias qui accordent encore une place aux questions de climat, de biodiversité et d’agroécologie.

Pourtant, les bénéfices des mares et milieux apparentés sont énormes :

🟢 Ce milieu présente les meilleures capacités de stockage de CO2. En volume, les zones humides stockent plus de CO2 que les sédiments océaniques pour une surface bien plus restreinte. Et les petites zones humides stockent davantage que les grandes par unité de surface [2].

🟢Ce milieu facilite grandement la gestion du trop plein et du manque d’eau

▶️une mare retient l’eau et recharge les aquifères

▶️ elle constitue également une réserve pour le bétail, les maraîchers, voir les céréaliers

🟢Une mare filtre l’eau grâce aux plantes qu’elle abrite

🟢Une mare a un rôle pivot pour la biodiversité, et renforce les corridors existants

🟢L’importance économique des mares n’est pas quantifiée à notre connaissance, mais elle est énorme tant ces services écosystémiques sont essentiels.

Le sujet de la mare, entendu comme un système de stockage des excès de pluie en période hivernale, se pose avec une acuité grandissante. Selon les projections climatiques, en France les périodes de sécheresses seront plus fréquentes et plus longues. Il sera alors opportun de disposer de stockages. Stocker l’eau ne doit pas être un tabou, à condition de ne pas multiplier des méga bassines privatisant la ressource.

En plus de réhabiliter les mares abandonnées, une voie médiane et réaliste serait donc de favoriser l’implantation d’un maillage important de noues et keylines et de fermer certains fossés.

En outre, toujours selon les projections, le Nord de la France sera particulièrement arrosé. Il faudra alors faire face à des cumuls de précipitations très importants, la période octobre 2023-octobre 2024 étant un avant-goût.

Avant de restaurer toutes les zones humides drainées frénétiquement, la réinstallation de mares apparaît comme un horizon atteignable à moyen terme.

#CO2 #biodiversité #zoneshumides

Soyez Vyvant !

Image : la centrale de Vitry-en-Charollais a été détruite par la grêle quelques jours avant son ouverture en 2022. Si ces panneaux n’auront jamais produit d’électricité, ils auront néanmoins produit beaucoup de PIB

Selon cet article, une centrale photovoltaïque de 9 ha va produire 670 MW/h par ha et par an, soit dix fois plus qu’un hectare de miscanthus (15 t pour 4700 kWh/t)

Face à cette évidence, pourquoi continuer à promouvoir l’agroforesterie ? L’agri-voltaïsme est plus compétitif, plus rentable et permet de sauver des fermes. La réponse tient en la nature du vivant

Définir le vivant par la biologie (structure des cellules, présence d’ADN ou d’ATP) ne permet pas de couvrir l’ensemble de son spectre (pensons aux virus ou aux prions). Et puis cela ne permettrait pas de reconnaître une forme radicalement différente qu’on pourrait trouver dans l’espace ? C’est pourquoi les astro-biologistes cherchent à définir le vivant par son comportement. Il interagit avec son environnement, il se reproduit, s’adapte, respire et mange.

En 2020, Stuart Bartlett et Michael Wong avancent  une définition thermodynamique de la vie d’un point de vue générique qu’ils appellent la Lyfe. Ainsi le vivant terrestre participe d’un plus grand ensemble : le Vyvant. David Louapre [4][5]  et Stuart Bartlett ont modélisé le concept [3] au travers d’un poignet de pseudo réactions chimiques qui couvrent ses  4 propriétés : 

🕯️ C’est une structure dissipative. Il utilise l’énergie pour créer de l’ordre et diminue localement l’entropie.

✖️ Il est autocatalytique. Il peut produire plus de lui-même.

🌡️ Il est capable d’homéostasie. Il sait s’adapter aux conditions du milieu. 

🚸 Il est capable d’apprentissage. Par sélection ou par association, le vivant change sa réponse à un stimuli de façon durable.   

Ainsi, contrairement à d’autres structures dissipatives naturelles comme un feu ou une tornade qui finissent par disparaître faute d’adaptation, ou artificielles, comme un panneau solaire, une ampoule, un moteur, qu’on entretient et qu’on remplace régulièrement (pour peu qu’on en ait encore l’usage), le vivant est une structure émergente qui gagne sans cesse en complexité et en autonomie. Il trouve des solutions pour se perpétrer. 

Par exemple, quand l’eau des sols est épuisée et que les plantes ne peuvent plus réguler l’atmosphère, elles blanchissent. Cette augmentation de l’albédo hâte le retour des pluies et la moisson se fait entre les gouttes. Alors, grâce aux réserves stockées dans leur bois, leurs racines, leurs graines et le sol, les plantes démarrent un nouveau cycle..

C’est cette capacité du vivant à régler des problèmes qui nous intéresse. Avec des panneaux solaires on produit de l’électricité, de la valeur, du revenu, avec du vivant, du miscanthus, des arbres, on produit du futur.

L’état des sols européens

Une récente étude vient objectiver la dégradation des sols agricoles en Europe. Et la situation n’est pas brillante !

A l’heure où les mesures volontaristes impulsées depuis quelques années (loi Zéro artificialisation nette en France, Green Deal européen, entre autres) font l’objet d’une fronde grandissante, il est urgent de faire front commun pour sauver nos sols.

Si, au sein du collectif l’Autoroute de la Pluie, nous avons l’habitude de promouvoir des solutions plutôt que de susciter la peur, il est également crucial d’insister sur l’urgence de la situation.

L’étude intitulée A unifying modelling of multiple land degradation pathways in Europe a été publiée en mai 2024. Fruit du travail d’une équipe internationale de 16 scientifiques, cette étude ambitieuse parue sur Nature Communication, portant sur 40 pays du continent européen, analyse la situation des terres agricoles et arables selon 12 indicateurs de dégradation.

Les facteurs de dégradation des sols étudiés sont :
érosion hydrique, érosion éolienne, perte de carbone organique, salinisation, acidification, compaction, déséquilibre de la teneur en nutriments, pollution aux pesticides, pollution aux métaux lourds, dégradation de la végétation, déclin des eaux souterraines et aridification.

🧪Sans surprise, la pollution aux pesticides est la problématique la plus répandue en Europe.

🚨Selon l’étude, jusqu’à dix processus de dégradation peuvent coexister dans certaines régions, indiquant une situation de multi-dégradation intense.

🔥Plusieurs points chauds sont identifiés, c-a-d des pays concentrant un nombre élevé de facteurs de dégradation des sols : Espagne, Italie, Grèce, Hongrie et France. Le pourtour méditérannéen est extrêmement touché.

En France, la situation est préoccupante pour plusieurs aspects, surtout pour la pollution aux pesticides, les déséquilibres en nutriments des sols (nitrates) et la pollution aux métaux lourds. L’aridification menace le pourtour méditeranéen et fait une incursion dans le Sud-Ouest, aux abords de la zone ciblée pour établir l’Autoroute de la Pluie.

Cette même zone se caractérise par une forte érosion hydrique. Les sols lessivés perdent ainsi leur potentiel, alors qu’ils étaient initialement particulièrement fertiles (voir à ce sujet le post sur le reverdissement du Plateau de Loess, berceau de l’agriculture en Chine, qui avait été presque complètement érodé).

L’Assemblée générale des Nations Unies a proclamé la période 2021-2030 “Décennie des Nations Unies pour la restauration des écosystèmes”, avec pour objectif d’atteindre la neutralité en matière de dégradation des terres d’ici 2030. Face aux reculs récents en la matière, on voit qu’il est plus que jamais nécessaire de se mettre à l’ouvrage.

A la façon des lobbys économiques, tous les acteurs soucieux de préserver les sols et des conditions de vie décentes devraient s’unir pour infléchir les politiques.

Le mur évolutif selon Marc-André Selosse

Image : diversité des céréales à paille (Inrae A.Didier E.Boulat)

Nous construisons un mur que nous ne saurons pas franchir. 

Marc-André SELOSSE a présenté son livre « Nature et préjugés, Convier l’humanité dans l’histoire naturelle » (Actes Sud). Il y disserte sur nos idées reçues concernant la nature et notamment l’évolution.

Ça été l’occasion d’évoquer l’utilisation des mécanismes de mutation et de sélection naturelle comme un outil ; sujet qu’il avait déjà abordé il y a 3 ans lors d’une conférence pour AgroParisTech [voir l’intervention]. Il montre comment la trithérapie (combinaison de plusieurs drogues) dresse un mur adaptatif pour le virus du VIH. Le virus est incapable de s’adapter à la diversité des réponses (à l’inverse de ce qui se passe avec les antibiothérapies).  

Ainsi, cette question, de la diversité que nous avons souvent traité sous l’angle de la résilience climatique et hydrique du territoire, devient aussi une question sanitaire. Dans les paysages divers et complexes, la portée des évènements sanitaires est fortement limitée. Bien sûr des catastrophes, comme la Pyrale du buis ou la Chalarose du frêne peuvent encore se produire, mais cette prophylaxie de la diversité est une stratégie gagnante. D’ailleurs elle fait l’objet de pratiques agricoles très répandues :

🌀 rotation des cultures

🌳 haies de séparation

🏁 agencement du parcellaire

🍹 utilisation de mélanges variétaux ou de population

💪 sélection de variétés résistantes aux maladies cryptogamiques (cépages resDUR de l’INRAE par exemple). 

Toutefois, malgré ces exemples, la stratégie du vide et de l’uniformité (ce qu’on appelle la biosécurité) reste prégnante en santé animale, humaine et végétale.

🐮 L’intervention des vétérinaires Coralie Amar et Lucile Brochot au PIM 2022 illustre ce concept et ses limites appliqué à l’élevage).

Or, comme le fait si justement remarquer Marc-André SELOSSE si nous ne sommes pas doués pour utiliser l’évolution à notre avantage, la grande diversité des nouvelles molécules (pfas, microplastiques, pesticides, métaux lourds …) que nous dispersons dans l’environnement est en train de construire un mur d’adaptation que nous ne saurons franchir. La baisse drastique de la fertilité, l’augmentation de 300 % des allergies alimentaires en 20 ans et l’explosion des problèmes de santé systémiques  comme le diabète, l’asthme ou l’autisme, sont sans doute autant les signes annonciateurs de ce qu’il faut bien appeler l’inadaptation de l’homme à son milieu.

Considérer l’évolution comme un mouvement auquel on participe et non comme un phénomène exogène, considérer notre place dans les écosystèmes parfois lointain desquels on extrait notre nourriture et nos matériaux, voila une des leçons de 📚 Nature et préjugés.

L’impact climatique du mode d’occupation des sols

Bon nombre de recherches démontrent que les modes d’occupation des sols impactent fortement le climat. Malgré que ce constat soit progressivement compris, il tarde à infuser dans les politiques d’aménagement du territoire. On peut ainsi se demander pourquoi une approche systémique n’est pas adoptée pour maximiser l’impact d’une gestion vertueuse des sols.

L’étude Land use still matters after deforestation, publiée en 2023 par des chercheurs, majoritairement brésiliens, décrypte les impacts de la déforestation et des modes d’usages des sols en Amazonie et dans le Cerrado. L’étude porte sur le Brésil mais, les mêmes causes engendrant les mêmes effets, on se doit d’évaluer avec attention ces impacts en Europe occidentale. L’étude se concentre sur l’évaluation de l’utilisation des zones déboisées depuis les années 1970, alors que la surface de culture de soja, par exemple, y a décuplé entre 2000 et 2019. 

🌡️Il en ressort que la conversion de forêts en terres agricoles (légumineuses et céréales), cultivées de manière conventionnelle, peut entraîner une augmentation de la température de surface trois fois plus élevée que la conversion en pâturages.

🌥️ Cela est dû au fait que la gestion intensive des terres réduit la transpiration des plantes et provoque des changements dans l’équilibre énergétique de la surface. Ceci est clairement représenté dans l’illustration du post, où certains sols de cultures céréalières atteignent 55° c.

☀️En outre, l’expansion des terres cultivées et la création de grandes zones déboisées continues peuvent réduire considérablement les précipitations, par la perturbation du cycle de l’eau. La limite de déboisement pour ne pas enclencher ce cycle est estimée à 10 km2.

Les auteurs recommandent l’adoption de l’agroforesterie et de l’agriculture syntropique pour cultiver les zones défrichées. Plus généralement, la stratification des écosystèmes et l’introduction de l’arbre dans le système agricole sont plébiscités.

La mention de la syntropie fait écho à notre série de posts sur cette approche particulièrement adaptée aux enjeux du dérèglement climatique et de l’érosion brutale de la biodiversité ( voir [3, 4 et 5]). L’agroécologie atténuerait sensiblement les impacts de la déforestation.

Les auteurs préconisent également de travailler étroitement avec le secteur agricole, “et non contre lui. Il est peu probable que le fait de pointer du doigt aboutisse à des progrès.  Cette étude est donc particulièrement d’actualité, tant les débats sur la question agricole sont polarisés.

Le projet de l’Autoroute de la Pluie s’inscrit dans une perspective similaire. N’est-il pas urgent de réintroduire de la stratification dans nos systèmes agricoles, tout particulièrement céréaliers ? Pour cela, notre collectif œuvre à la construction d’un corridor agroforestier dans le Lauragais. Nous avons besoin de toutes les énergies pour le faire advenir et pour replacer la photosynthèse au cœur de nos psychés.

Landrace Gardening – pour une horticulture variée et robuste

Illustration les melons de Joseph Lofthouse.

En botanique, une espèce  compte souvent plusieurs variétés. Par exemple, pour  la tomate (Solanum lycopersicum) 🍅, il y a la tomate cerise 🍒(cerasiforme) et la tomate à gros fruits (esculentum). 

Mais souvent, dans une acception plus générale, le terme de variété est utilisé pour désigner une forme plus précise aux caractéristiques réputées uniques, (Cœur de Boeuf, Marmande, Green Zebra). C’est ce qu’on appelle un cultivar.

Un cultivar a été sélectionné et stabilisé afin de posséder des propriétés (goût, productivité, couleur, résistance aux maladies) constantes. Il est reproduit selon des modalités précises qui dépendent essentiellement de l’espèce.

A l’inverse des cultivars, il y a les variétés “population” qui sont obtenues par sélection massale. Autrement dit, au lieu de s’assurer de conditions strictes donnant un résultat reproductible, le fermier obtient sa semence à partir des parties de sa récolte qui lui semblent les plus prometteuses.

Le chimiste et maraîcher Joseph Lofthouse, raconte dans “Landrace Gardening: Food Security through Biodiversity and Promiscuous Pollination” comment il a utilisé la sélection massale pour obtenir des melons dans un contexte pédoclimatique totalement défavorable. Vous pouvez également retrouver ces expériences sur la chaîne youtube Landrace Gardening ou sur le site Going to seed, qui fédère un réseau d’échange de graines et des ressources pour se former.

Sa technique consiste à planter un grand nombre de variétés (pour les melons, plus de trente) et à favoriser l’hybridation de proximité. Puis à simplement utiliser les graines issues des plantes qui lui ont donné satisfaction. Et comme il fait l’inverse de ce qui est habituellement préconisé, il obtient l’inverse du résultat habituel : une production d’une grande variété de formes, goûts et couleurs.

Pour l’Autoroute de la Pluie, cette approche à base de diversité ouvre une porte de plus dans la palette des solutions fondés sur la nature. Pour peu qu’on sache admettre qu’on n’aura pas un melon de Cavaillon quand on est dans les montagnes de l’Utah.

Comprendre la syntropie 3 : Quelles ressources pour commencer ?

Nous avons essayé de présenter dans deux précédents articles des notions que l’agriculture syntropique met en œuvre. Elles peuvent sembler éloignées du sujet principal qui est d’installer et de faire prospérer des plantes pour répondre à nos besoins.

Mais cette entrée en matière par le champ scientifique nous a semblé nécessaire parce que l’agriculture syntropique découle d’une compréhension du monde, issue non pas de la physique newtonienne qui nous est si familière, mais d’une vision thermodynamique encore éloignée de nos canons de perception. Admettre l’irréversibilité, comprendre que le tout n’est pas égal à la somme des parties, penser les systèmes en termes de flux est et de dissipation échappe complètement au canons des techniques de production. Lorsqu’un tracteur travaille, qu’est-ce qui part en chaleur ? qu’est-ce qui le fait avancer  ? Toutes ces questions ne sont sûrement pas neuves. Elles datent de la machine à vapeur. Pourtant tous nos indicateurs clés comme le rendement ou le PIB sont établis comme si l’expérience de production était reproductible à l’infini, comme si le monde était constant. 

N’oublions pas toutefois que la syntropie ce sont avant tout des fermes. Celle de Ernst Gotch au Brésil, celle des Magawits en France, et bien d’autres de part le monde, expérimentent dans le domaine agricole. Il y a beaucoup de témoignages, de formations, de partages d’expérience. Notamment grâce au travail didactique d’@Opaline. Toutefois, si ces témoignages sont utiles, il manquait un ouvrage de référence. C’est chose faite avec la parution de  Bienvenue en syntropie de Théry Analële (préface de Opaline Lysiak, coédition Joala Syntropie et Terre vivante).

L’auteure y partage son expérience d’adaptation des techniques développées par Ernst Götsch en milieu tempéré. Le cheminement du livre nous amène de la théorie à la pratique de façon très imagée et ludique. Si cela rend la lecture facile et agréable, ces deux aspects auraient peut-être pu être plus incarnés afin d’être mieux questionnés : une sorte de dialogue socratique entre un philosophe et un paysan ? Car la syntropie telle que nous la comprenons place la science au cœur de l’élaboration du processus technique. Notons d’ailleurs qu’une réflexion similaire a amené le philosophe Bernard Stiegler à inventer les Territoires Apprenant Contributif, un projet de développement économique néguentropique.  

Au-delà de cette remarque, le livre est d’un apport théorique et pratique inestimable et va bien au-delà de la palanquée de PDF qu’on peut trouver sur internet et qui manquent cruellement de concret. Quand on s’intéresse à la production végétale, la qualité des itinéraires décrits et des pistes explorées ouvre des possibilités d’expérimentation et de design infinies. 
Pour clore cette présentation de la syntropie, citons le mot de Théry Analële : “La syntropie n’est ni simple, ni complexe mais simplexe”.

Comprendre la syntropie 2 : Le vivant est une structure dissipative

Ce post fait suite à un post dans lequel nous situions l’agriculture syntropique d’un point de vue anthropologique (cf article).

Souvent, on présente la syntropie comme l’inverse de l’entropie. Or selon le second principe de la thermodynamique, ce qui caractérise l’entropie c’est qu’elle ne peut pas diminuer. Elle ne peut donc pas à proprement parler avoir d’inverse.  

La capacité du vivant à s’ordonner, croître et se reproduire, stocker de l’énergie, s’aggrader apparaît alors comme paradoxale (Qu’est-ce que la vie ? Erwin Schrödinger 1944).

Ce paradoxe, c’est le physicien Ilya Prigogine qui le résout grâce au concept de structure dissipative (Temps, Structure et Entropie, Ilya Prigogine, Bulletins de l’Académie Royale de Belgique Année 1967 53).

La dissipation désigne le fait qu’au cours du temps un système dynamique perd de l’énergie sous forme de chaleur. Ainsi le caractère irréversible de l’entropie devient un cas particulier du caractère irréversible du temps. 

En agriculture syntropique, on utilise :

La succession végétale qui permet de maintenir en permanence une végétation à un stade optimal : c’est la dimension temporelle.

La stratification afin de favoriser la captation optimale de la lumière : c’est la.dimension énergétique

La perturbation qui permet de stimuler l’activité biologique : c’est la dimension entropique.

A ces trois paramètres il faut en rajouter un principe d’intensité : l’abondance. La syntropie c’est produire beaucoup en permanence. 

Ainsi la syntropie, que nous avions défini en première approximation comme un mouvement anthropologique autour de pratiques agricoles, s’avère être un moyen de médiation énergétique auquel il convient de réfléchir. L’agroécosystème syntropique constitue certainement une bifurcation dans le mode de production agricole, mais il nous fait surtout comprendre qu’une intensification démesurée de l’activité végétale libère un potentiel qui pourrait être une partie de la réponse à nos problèmes de dessèchement et de surchauffe : Utiliser la capacité de dissipation du vivant ; un mouvement anthropologique et anthropique.

Pour l’autoroute de la pluie, l’agroécologie et en particulier l’agroforesterie, permet d’engager une transition du point de vue de l’alimentation et de la biodiversité, mais aussi du point de vue d’une équation énergétique globale.

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