Dans un post précédent, nous avons vu que l’un des deux marqueurs d’une transition agroécologique est la capacité d’un système à fonctionner avec de moins en moins d’interventions, autrement dit de moins en moins d’apports énergétiques : l’autonomie.
Idéalement, un agroécosystème ne consomme qu’une partie de l’énergie qu’il capte par la photosynthèse et stocke le reste sous forme de matière organique et de sucres.
Or, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, l’indicateur de vitalité économique est fondé sur la croissance du PIB. Cela pose deux problèmes :
💡 La croissance est une fonction exponentielle. L’effort nécessaire pour faire 1% de croissance annuelle double 2 fois en 200 ans. Celui pour 3 % double 7 fois. A 10 %, c’est 24 fois.
💡 Selon la façon dont est calculé le PIB (PIB = Dépense de consommation finale + Formation brute de capital + Exportations – Importations), les activités de négoce, de finance et le déstockage peuvent avoir un rôle plus important que la production.
Mais le point qui pose surtout question, c’est la corrélation qui existe entre le PIB et la consommation d’énergie, en particulier fossile (voir à ce propos l’illustration de l’article du shift project). Cette idée se retrouve dans l’identité dite de Kaya (formulée par l’économiste Yoichi Kaya en 1993) qui permet d’exprimer l’intensité carbone du PIB.
Concrètement, installer 1 Mwh de panneaux photovoltaïques va fabriquer plus de PIB que de planter 1 Mwh de Miscanthus. C’est évidemment un problème pour l’agroécologie. Selon les termes de la comptabilité nationale, la biodiversité, la durabilité, l’aggradation des écosystèmes, la contribution au climat et à l’eau propre n’ont pas de valeur.
Est-ce que cet effet comptable est une cause ou une conséquence ? Les tenants d’une comptabilité écologique pensent qu’il faut intégrer le poids du prélèvement sur les écosystèmes dans notre système comptable.
Ainsi Harold Levrelet Antoine Misseme dans “L’économie face à la nature. De la prédation à la coévolution”, élaborent la notion de dette écologique.
D’autres estiment que cet aspect comptable n’est que le reflet d’un système de production fondamentalement prédateur (voir par exemple “extractivisme, Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances” de Anna Bednik). Les deux approches n’étant d’ailleurs pas forcément contradictoires.
Notre but ici n’est pas de trancher cette question, mais simplement de montrer que la croissance telle qu’elle s’envisage aujourd’hui dans ses modalités et dans son rôle est un obstacle majeur au développement de l’agroécologie.