Initiative de réappropriation climatique

Catégorie : pédologie

Qu’est-ce que la battance ?

Les sols sont secs car ils sont étanches (et pas l’inverse).

Lorsque les constituants du sol sont soumis directement à la pluie, ils forment une couche de perméabilité très faible. Le sol ainsi réorganisé sera dit battu.

Selon les principes de la sédimentation, les feuillets d’argile arrivent en surface. Et comme le feraient des tuiles, ils créent une structure étanche et homogène.

La battance est accentuée par le sol nu. Les plantes offrent une protection qui brise l’inertie des gouttes et protège le sol. Un paillage peut jouer le même rôle.

Par contre lorsque le sol est laissé nu, l’impact des gouttes est fatal (d’autant plus que le soleil à pu cuire l’argile en surface et consolider la structure).

Tous les sols ne sont pas égaux face à la battance. Pour caractériser un sol, on évalue sa proportion d’éléments minéraux par type de granulométrie. Combien y a-t-il d’argile, de limons, de sable et de gravier ? Cette composition détermine la sensibilité à la battance. Mais pas uniquement.

Dans un sol, la matière organique lie les différents éléments. S’il n’y a plus de matière organique dans le sol, si les particules sont libres, et que les gouttes les frappent, il peut alors se réorganiser selon les principes de la sédimentation. Les grosses particules se trouveront au fond, celles de taille intermédiaire juste au-dessus et l’argile en surface. L’eau ne peut alors plus s’infiltrer et le sol meurt.

Ce phénomène est à l’origine de nombreux épisodes de désertification et de réchauffement. Des sols secs sur lesquels rien ne pousse n’attirent plus la pluie. Le climat se réchauffe et se dessèche. L’aridité s’installe.

Il est aisé et urgent, de s’en prémunir. Une des premières stratégies mise au point par la nature est de couvrir les sols. La nature met aussi en place une porosité qui assure le drainage. L’activité biologique offre des colles, notamment la glomaline, qui assure une grande stabilité des agrégats.

Observez l’un des nombreux “soil stability test” sur youtube, vous comprendrez que derrière ce drame s’en cache un autre : l’érosion. La disparition des couches arables ne fait qu’accroître le phénomène. D’ailleurs comme le dit Gérard Ducerf, l’érosion est le prémisse à la désertification.

Trois points d’attention :

🌿 Les couverts d’interculture ne doivent pas être simplement considérés sous l’angle des nitrates. Protéger les sols de la battance et de l’érosion est essentiel pour avoir de l’eau et un climat aussi acceptable que possible.

💻 La prise en compte des propriétés des sols dans les modèles climatiques nous semble trop statique. L’humidité des sols issue des réanalyses (données Era5) est souvent très éloignée des observations de terrain.

🧪 Ces questions sont absentes du débat actuel sur le désherbage mécanique, qui casse pourtant la continuité des galeries et oxyde la matière organique de surface, au même titre que d’autres méthodes, notamment chimiques.

Le travail des lombriciens

Un article du 26 septembre publié dans Nature par l’université du Colorado, a évalué la contribution des vers de terre à la production alimentaire mondiale (Earthworms contribute significantly to global food production https://www.nature.com/articles/s41467-023-41286-7).

C’est l’occasion de rappeler l’énorme travail de Marcel Bouché dont l’intégralité des travaux est disponible grace a vers de terre production (https://drive.google.com/drive/folders/1MCRZnkzlY8cqZYqErpG-k6nKGYmaFa3d). Vous trouverez également 📚 “Des vers de terre et des hommes”, chez Acte Sud et une bonne synthèse sur triple performance : https://wiki.tripleperformance.fr/wiki/Les_vers_de_terre_dans_l%27%C3%A9cosyst%C3%A8me_sol

↗️ il y a 150 variétés de lombriciens en France

💪 pour 1 kg de vers de terre anéciques, 270 kg de terre est brassée chaque année

🐄 la population de vers de terres peut atteindre 5 tonnes/hectares dans certaines prairies (soit la masse de 6 ou 7 vaches)

🚑 la population moyenne est passée de 1 tonne de biomasse par hectares en 1950 à moins de 200 kg actuellement 

😋 sur un sol en bonne santé la totalité de l’horizon organo-minéral est digéré tous les 20 ans.  

Les vers anéciques 🪱 remontent à la surface chercher des débris de végétaux 🍂 en décomposition qu’ils broient  dans leur gésier avec du sable ⌛ . Ils assimilent bactéries et champignons 🍄 et évacuent le végétal riche en tanins en le mélangeant à de l’argile  (autrement dit, ils prennent un SMECTA). Leurs turricules sont la base du complexe argilo-humique qui est une émulsion stable de minéraux et de matière organique qui assure la cohérence des sols.

Leur mucus qui tapisse les galeries et leur urine constituent un élément essentiel du cycle de l’azote. Pour Marcel Bouché, une tonne de vers de terre fournit aux plantes  600 kg d’azote assimilable par hectares et par an (soit plus de deux fois ce qu’on met pour un blé conventionnel).  

La contribution des vers de terre est donc essentielle en termes de   ☔ porosité et d’infiltration, ⌛ texture et stabilité structurale et de fertilité 🌻 

S’en occuper

GFDL 1.2, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=3474235

Pour prendre soin des vers de terre, il suffit de les  laisser tranquilles : éviter de travailler et de compacter le sol, s’assurer que ce dernier soit toujours humide et couvert de  plantes vivantes ou mortes (paille, brf), afin qu’ils aient toujours quelque chose à manger. 

Chaque automne au retour des pluies on peut compter la population de vers de terres avec les enfants : 

  • Soit en creusant un trou pour les débusquer
  • Soit en comptant les galerie dans un profil
  • Soit en arrosant le sol d’une solution de moutarde forte pour les faire remonter

C’est une espèce clé de la vie du sol. Leur absence doit vous inquiéter. 

59 % de la vie dans le sol

Dans un article d’août 2023, sous la direction de  l’écologue Mark Anthony (Enumerating soil biodiversity https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.2304663120), les chercheurs ont pu déterminer que la plus grosse partie de la vie sur terre ne réside ni dans les forêts, ni dans les océans, mais dans les sols. Cette étude en complète une de 2018 sur la distribution de la biomasse terrestre (The biomass distribution on Earth https://www.pnas.org/doi/10.1073/pnas.1711842115). Étude qui montrait, au passage, que la biomasse de la terre avait décliné de 50 % depuis le début de la civilisation humaine.

Photo de Oliver Meckes et Nicole Ottawa, National Geographic

Ici, dans ce débris végétal, on observe un ver polychète et deux espèces d’acariens, des mousses et des champignons. Leur existence, leur action mais aussi leurs excréments et leurs cadavres vont contribuer à aggrader le sol, favoriser la croissance des plantes et développer l’écosystème. Prendre soin des sols, c’est construire la biodiversité.  

Quand on parle de biodiversité, on pense souvent à la faune en danger : ours polaires sans banquise, orang-outan sans forêts, migration des gnous bloquée par l’autoroute … etc. Mais la majorité du vivant est constitué de petites choses, bactéries, amibes, protozoaires, champignons, acariens, collemboles, nématodes, radicelles, mycorhizes, que l’on trouve dans le sol.

➖ les sols sont artificialisés 🅿️ 🛣️ : un sol c’est avec des plantes  ☘️ dessus et de l’eau 🚰 dedans. Autant de propriétés qu’on enlève avec le revêtement et le drainage. Sans plantes, sans eau, pas de matière organique ni de sucre pour nourrir le vivant. 

➖ les sols sont compactés 🚛 🚜 🦖: à force de rouler dessus avec des engins de plusieurs tonnes, de les retourner dans tous les sens, d’enlever les cailloux, de désherber, de terrasser, de minéraliser la matière organique, la porosité, c’est à dire la capacité à faire circuler de l’air, de l’eau, du mycélium et des racines, disparaît et avec elle, la vie.

➖ les sols sont pollués : entre les déchets industriels, les poubelles, le plastique issu des pneus, les dépôts de particules  et l’épandage de produits, la vie dans les sols est soumise à rude épreuve. Situation d’autant plus dommageable qu’elle est inextricable. La pollution qui n’est pas fixée dans les sols part dans l’eau ou dans l’atmosphère. 

➖ les sols sont érodés : en perdant leur vie, en brûlant au soleil, les sols perdent leur cohérence et leur structure et finalement sont emportés par la pluie et le vent.

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