Les calculs de Jean Pain sauveraient-ils la forêt méditerranéenne ?
Aujourd’hui, lorsqu’on parle d’un “Jean Pain”, on désigne un compost utilisé pour chauffer de l’eau, une serre ou une table de semi.
Jean Pain est un forestier du sud de la France né en 1928. Il est connu pour sa promotion du compost de broussaille. Ses techniques, recueillies par son épouse dans un ouvrage à compte d’auteur, ont connu un écho important dans les années 1970 car elles résonnaient avec la prise de conscience de la dépendance aux énergies fossiles.
Dans cet ouvrage, il détaille de nombreuses techniques pour produire de l’énergie et de la fertilité à partir des broussailles et ainsi faire de la nécessaire prévention des incendies un levier pour la restauration de la forêt méditerranéenne.
Comment cela fonctionne ?
La forêt est découpée en parcelles de 320 hectares qui sont nettoyées 3 fois en 24 ans.
Le nettoyage consiste à couper la végétation sous-arbustive, élaguer les basses branches, recéper et éclaircir pour éviter la propagation du feu.
Le chantier progresse de 40 hectares non concomitant tous les ans.
Ainsi la biodiversité qui s’est réfugiée dans les parcelles adjacentes sera laissée tranquille l’année suivante.
La valorisation de 10 kg de broussaille par les methodes Jean Pain est la suivante :
- 8.5 kg de compost
- 2 m3 de biogaz
- de l’énergie thermique qui peut-être utilisée pour chauffer de l’eau, des serres ou produire de l’électricité
La technique de méthanisation de Jean Pain est beaucoup plus partielle que celle qui se pratique aujourd’hui. Elle évite également l’écueil d’une phase aqueuse qui est souvent problématique. Ainsi, son compost de broussaille est très différent du digestat sorti des méthaniseurs modernes. Toutefois, en considérant comme Jean Pain qu’une parcelle de 320 hectares produit 1600 tonnes de broussailles tous les ans, la vente de l’énergie produite permettrait probablement aux forestiers d’en vivre.
La moitié, voire la totalité du compost, est utilisée pour créer du sol humifère et restaurer les forêts, l’énergie est utilisée pour rentabiliser le projet. Ainsi l’entretien des forêts n’est plus une charge.
Quand on sait que la région méditerranéenne est un des espaces les plus menacés par la désertification (voir notre post sur les travaux de Millàn Millàn), la mise en œuvre d’un vaste projet de régénération de ses forêts apparaît comme une évidence. Il est critique de préserver et renforcer toutes les forêts côtières et leurs fonctions hydrologiques.
Le projet de l’autoroute de la pluie, en entendant développer l’agroforesterie pour substituer notamment une partie des prélèvements en bois forestiers par du bois agricole, est donc complémentaire de la régénération des forêts méditerranéennes.
L’illustration provient du formidable outil de @l’IGN “Remonter le temps”, et porte sur l’urbanisation côtière au sud du Massif des Maures.